Jour 17 - Anxiété (2ème partie) : STOP !!!

Dec 17, 2025
 

 

Nous avons vu hier comment l'acceptation et la compassion peuvent transformer notre relation à l'anxiété. Mais que faire lorsque vous êtes pris dans une spirale qui s'accélère, lorsque les pensées catastrophiques s'enchaînent si vite que la simple observation bienveillante semble impossible ?

C'est là qu'intervient une approche complémentaire, validée par les neurosciences : l'interruption active du pattern anxieux. Car si l'acceptation modifie notre relation à long terme avec l'anxiété, l'interruption de pattern offre un outil d'urgence neurologique pour les moments de crise aiguë.

Interrompre plutôt qu'analyser

Les recherches en neurosciences montrent que les techniques d'interruption physiologique (respiration régulée, changement postural, observation consciente) peuvent moduler l'activation émotionnelle en moins de 2 minutes. 

La fenêtre des 90 secondes correspond au temps nécessaire pour qu'une cascade émotionnelle chimique se dissipe naturellement dans le corps – si elle n'est pas réactivée par la pensée répétitive. Tout ce qui persiste au-delà est maintenu par la rumination mentale. L’anxiété prend alors en otage notre pensée et nous enferme dans une déraison raisonnante…

On a pu montrer par neuro-imagerie que les tentatives de « raisonner » l'anxiété activent davantage les circuits de rumination qu'ils ne les apaisent. Vous ne résolvez pas l'anxiété – vous créez de l'anxiété à propos de votre anxiété.

Du constat à l’action

Les études d'imagerie cérébrale ont démontré que l'interruption volontaire d'une spirale anxieuse active le cortex préfrontal ventrolatéral – la région qui inhibe l'amygdale – tout en réduisant l'activité du cortex cingulaire, siège de la rumination.

Autrement dit, l'interruption n'est pas une distraction superficielle, c'est une intervention neurologique ciblée qui court-circuite les réseaux de la peur avant qu'ils ne se consolident en boucles chroniques. La technique STOP, développée dans le cadre de la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (MBCT), en est une application clinique validée.

La technique de l'interruption de pattern : STOP

La solution n'est pas d'analyser l'anxiété, mais de l'interrompre. Littéralement. De casser le pattern neurologique avant qu'il ne devienne une autoroute bien établie dans votre cerveau.

L'acronyme STOP, développé dans le cadre de la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience, est une intervention neurologique efficace..

S – Stop (Arrêtez-vous physiquement)  

Dès que vous remarquez que vous êtes dans une spirale d'inquiétude, arrêtez ce que vous êtes en train de faire. Si vous marchez, arrêtez-vous. Si vous êtes assis, levez-vous. Ce changement physique brutal envoie un signal à votre cerveau : « Quelque chose de différent se passe maintenant. »

Le mouvement active le cortex moteur et détourne temporairement les ressources neurologiques de l'amygdale. C'est une interruption de circuit.

T – Take a breath (Prenez une respiration) 

Mais pas n'importe quelle respiration – une respiration qui active spécifiquement votre système nerveux parasympathique. Inspiration lente par le nez (4 secondes), pause brève, expiration encore plus lente par la bouche (7-8 secondes).

Cette respiration asymétrique (expiration plus longue que l'inspiration) active le nerf vague, qui est le frein physiologique de votre système de stress. En 90 secondes de cette respiration, vous pouvez réduire significativement l'activité de l'amygdale.

O – Observe (Observez sans jugement) 

Maintenant que vous avez créé un espace neurologique, observez votre expérience comme un témoin extérieur. « Tiens, il y a de l'anxiété présente. Il y a des pensées qui disent que quelque chose de terrible va arriver. Il y a une sensation de contraction dans la poitrine. »

Cette observation active votre cortex préfrontal médian et votre insula – les régions associées à la conscience métacognitive. Vous cessez d'ÊTRE l'anxiété et commencez à l'OBSERVER. Cette distance est thérapeutique.

P – Proceed (Procédez avec intention) 

Maintenant que vous avez interrompu le pattern, choisissez consciemment votre prochaine action. Pas une action réactive dictée par l'anxiété, mais une action alignée avec vos valeurs. « Même avec cette anxiété présente, qu'est-ce qui est important pour moi maintenant ? »

Cette étape réactive vos circuits préfrontaux de contrôle exécutif et de prise de décision basée sur les valeurs.

Les neurosciences de l'interruption

Pourquoi cette technique fonctionne-t-elle si bien ? Trois raisons neurologiques :

1. La fenêtre des 90 secondes 

Jill Bolte Taylor, neuroscientifique, a découvert qu'une émotion pure (la réaction chimique dans le corps) dure environ 90 secondes. Tout ce qui dure plus longtemps est maintenu par la pensée répétitive. En interrompant le pattern dans cette fenêtre, vous empêchez la consolidation de la boucle.

2. L'incompatibilité physiologique 

Vous ne pouvez pas être simultanément en état de relaxation parasympathique (induit par la respiration longue) et en état d'alerte sympathique (anxiété). Ce sont deux modes mutuellement exclusifs. En activant intentionnellement le parasympathique, vous éteignez littéralement le sympathique.

3. La neuroplasticité préventive 

Chaque fois que vous interrompez une spirale d'anxiété, vous affaiblissez les connexions neuronales qui la soutiennent. Après 3-4 semaines de pratique régulière, les spirales deviennent moins fréquentes, moins intenses, et plus courtes. Vous recâblez littéralement votre cerveau.

 

La variante physique : STOP corporel

Pour certaines personnes, la version physique de STOP est encore plus puissante :

S – Secouez : Littéralement, secouez vos mains, vos bras, votre corps pendant 30 secondes. Cette technique, inspirée du TRE (Trauma Release Exercises), aide à libérer l'activation traumatique stockée dans le système nerveux.

T – Tapotement : Tapotez doucement votre sternum, vos bras, vos cuisses (technique EFT simplifiée). Le tapotement envoie des signaux sensoriels qui interrompent le circuit de menace.

O – Ouvrez : Ouvrez physiquement votre corps – bras en croix, poitrine ouverte, tête relevée. Les postures expansives modifient instantanément votre chimie hormonale (réduction du cortisol).

P – Pieds ancrés : Sentez vos pieds fermement sur le sol. Pressez-les. Cette sensation d'ancrage active les circuits de sécurité dans le cerveau.

 

Références

Arch, J. J., & Craske, M. G. (2006). Mechanisms of mindfulness: Emotion regulation following a focused breathing induction. Behaviour Research and Therapy, 44(12), 1849-1858. 

Jerath, R., Crawford, M. W., Barnes, V. A., & Harden, K. (2015). Self-regulation of breathing as a primary treatment for anxiety. Applied Psychophysiology and Biofeedback, 40(2), 107-115.  

Kircanski, K., Lieberman, M. D., & Craske, M. G. (2012). Feelings into words: Contributions of language to exposure therapy. Psychological Science, 23(10), 1086-1091. 

Lindsay, E. K., & Creswell, J. D. (2017). Mechanisms of mindfulness training: Monitor and Acceptance Theory (MAT). Clinical Psychology Review, 51, 48-59. 

Segal, Z. V., Williams, J. M. G., & Teasdale, J. D. (2018). Mindfulness-based cognitive therapy for depression (2nd ed.). Guilford Press.

Williams, L. M., Gatt, J. M., Hatch, A., Palmer, D. M., Nagy, M., Rennie, C., Cooper, N. J., Gordon, E., & Bryant, R. A. (2008). The integrate model of emotion, thinking and self regulation: An application to the "paradox of aging." Journal of Integrative Neuroscience, 7(3), 367-404.